Entretien avec Emmanuel Moureau, CAOA du Tarn-et-Garonne
— « Bonjour, je suis Sybille, chargée de déploiement pour Collectif Objets, et je suis aujourd'hui avec Emmanuel Moureau, CAOA du Tarn-et-Garonne, qui est également le président de l'Association des Conservateurs d'Antiquité et d'Objets d'Art de France.
« Emmanuel est l'un des utilisateurs de la première heure de Collectif Objets puisque nous avons lancé la première campagne de recensement communal des objets Monuments Historiques avec lui, du 7 février au 3 avril 2023.
« Elle concernait 120 communes sur les 121 communes possédant des objets protégés de son département.
On a 48 communes qui ont recensé, donc presque la moitié du département. Un petit peu marseillaise sur les bords (c'est un peu moins de la moitié) mais ça concerne quand même déjà 38% du parc mobilier du département.
« Donc, Emmanuel, comment ça s'est passé ? Pouvez-vos me parler de votre expérience en tant qu'utilisateur de la plateforme ? »
— « J'étais un peu, je l'avoue, sceptique sur ce projet.
« Je me demandais si les communes allaient suivre ou pas, et finalement, c'est une heureuse surprise de voir que oui, les communes ont accepté de jouer le jeu, ou en tout cas un bon nombre d'entre elles, avec des communes d'ailleurs auxquelles je ne m'attendais pas, et au contraire j'en attendais d'autres qui n'ont pas répondu.
« Et peu finalement de réticences aussi ou de craintes de voir un spam quelconque ou un faux mail.
« J'ai eu quelques coups de téléphone quand même de communes un peu inquiètes.
« Donc un lancement intéressant. C'est une campagne qui a permis aussi aujourd'hui de porter ses fruits en termes d'apport de prise de conscience par les communes de la propriété de ces objets mobiliers protégés parce que beaucoup ignoraient finalement que ces objets d'abord leur appartenaient, qu'ils étaient présents ou pas d'ailleurs sur la commune, et qu'ils étaient protégés.
« Et puis ça a permis aussi à des associations parfois locales de prendre le relais des mairies pour pouvoir faire ce travail, donc de renforcer aussi des liens avec des acteurs qu'on ne connaissait pas.
« Ça a permis de voir que les objets mobiliers étaient bien souvent présents.
« Et puis, malheureusement, ça a entraîné le fait que certains objets n'ont pas été retrouvés, notamment des objets d'orfèvreries, protégés dans les années 50 et que personne n'avait vu depuis très longtemps.
« Donc un bilan plutôt positif. »
— « D'accord, et alors, pourquoi avoir choisi justement de vous lancer avec Collectif Objets ? »
— « Vous le savez, les CAOA n'ont pas de base de données de travail communes au niveau national.
« C'est un souci que l'association des CAOA de France pointe depuis bien longtemps aujourd'hui, même s'il y a eu quelques tentatives dans les années précédentes, mais rien de vraiment très concluant au final.
« Et Collectif Objets est un outil intéressant parce qu'il permet à la fois de sensibiliser les communes à l'existence de ce patrimoine mobilier protégé, mais également de gérer quand même ces objets, c'est-à-dire de pouvoir intégrer des photos, de pouvoir facilement avoir un état sanitaire de ces objets.
« Et je crois avoir compris que le module de récolement aussi allait arriver assez vite.
« Donc on est vraiment sur un outil qui est certes en cours d'élaboration, mais qui est vraiment adapté au métier de CAOA, et aussi de conservateurs des Monuments Historiques.
— « Il y a-t-il quelque chose en particulier que vous trouvez utile dans son utilisation ? »
— « Ce que je trouve utile c'est qu'on a la liste des objets protégés, avec éventuellement les photos et le renvoi à POP, donc on a facilement une vue d'ensemble des objets.
« Ça je trouve ça bien, parce qu'on sait tout de suite de quoi on parle.
« On a la photo, quand elle y est, et le titre. On peut approfondir éventuellement en allant sur POP.
« On a aussi tout de suite les photos des communes, qui nous sont renvoyées par les communes, donc ça c'est bien.
« On a le module de cartographie aussi qui est très intéressant parce que grâce à ce module on peut avoir une vue d'ensemble du département et les communes pour lesquelles il y a des objets en péril, les communes où on s'est dit qu'il fallait aller faire une visite prioritaire, une visite moins prioritaire, ou pas de visite.
« Ça permet aussi de cibler et de programmer des tournées plus facilement. »
— « Est-ce que ça vous a apporté une meilleure connaissance du parc mobilier du Tarn-et-Garonne ? »
— « Oui dans le sens où certaines communes j'avoue je n'y étais pas allé, ou il y a très longtemps.
« Je n'avais pas pu avoir accès à certains objets non plus.
« Ça me permet de confirmer malheureusement des doutes que j'avais sur l'existence ou en tout cas la conservation de certains objets dans les communes.
« Ça me permet aussi de voir que certaines communes sont motivées pour restaurer leur patrimoine mobilier.
« Parce qu'évidemment, on se focalise aussi beaucoup sur la partie récolement et sur la partie conservation, mais c'est aussi intéressant de pouvoir inciter les communes à restaurer ce patrimoine.
« Donc Collectif Objets permet justement de dialoguer et quand on a un objet est cité comme étant en mauvais état ou dans un état moyen, on peut dire aux communes “Mais vous savez, on peut vous aider pour le restaurer, on peut prévoir ça.”
« C'est aussi établir des liens et envisager des programmes de restauration pour les années à venir. »
— « Merveilleux. Et au final, est-ce que vous recommanderiez aux autres conservateurs son utilisation ? »
— « Je pense que Collectif Objets est adapté aux CAOA qui n'ont pas justement d'outils ou de bases de données à leur disposition.
« C'est moins adapté pour les CAOA qui ont une base de données départementale qui fonctionne, avec laquelle ils peuvent ensuite travailler autour des communes.
« C'est vraiment adapté pour des CAOA qui n'ont pas ce dispositif-là.
« Ce qu'il faut savoir par contre c'est que ça demande du travail de traitement puisqu'on reçoit les rapports des communes à analyser.
« Il faut prendre le temps d'analyser ces rapports, de les sauvegarder, éventuellement de faire quelques recherches, d'échanger via la messagerie, qui fonctionne d'ailleurs bien, avec les communes, et puis de prévoir des déplacements.
« Donc c'est un bel outil, qu'il faut voir aussi sur le long terme.
« À mon avis ce n'est pas une seule opération qui va durer trois ou quatre mois.
« Le lancement de la campagne c'est plutôt le départ de quelque chose, et c'est un outil vraiment à utiliser.
« Il faut prévoir ses visites petit à petit, éventuellement approfondir.
« Donc oui, je le recommanderai vraiment pour des CAOA qui n'ont pas d'outil à disposition, mais surtout qui ont une charge de travail qui leur permet justement d'aller ensuite faire les visites et de recroiser les informations apportées par les communes.
« Parce qu'il faut savoir qu'elles nous donnent parfois des informations qui ne sont pas très fiables sur l'état des objets.
« Ils s'inquiètent parfois pour des choses qui ne le sont pas, ou on a des objets qu'ils confondent, donc ça demande un petit peu de travail pour aller les voir.
« Donc je le recommanderai aux collègues, et aux collègues qui sont entièrement bénévoles je leur dirai voilà, c'est un bel outil, mails il faut savoir que ça va demander du travail et des déplacements.
« Donc c'est à réfléchir aussi avec vos conservateurs des monuments historiques pour voir comment la DRAC peut vous accompagner par rapport à ça. »
— « Merci beaucoup Emmanuel. »
— « Merci Sybille. »